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Dans ces mémoires, mon grand-père Orion Ravel évoque ses souvenirs d'enfance et nous fait découvrir la vie en famille dans la roulotte qui constituait la demeure familiale. Passionné par les romans d'aventure(Fénimore Cooper, James Oliver  Curwood, jack London,etc) avec pour toile de fond la conquête de l'Ouest américain ( la roulotte familiale était souvent désignée "Notre Home".

Notre demeure ambulante (celle de mon père Lazare Ravel) était divisée en deux pièces de 2,50 m sur 3,00 m environ chacune. Dans celle du fond, on trouvait un grand lit isolé par une tenture qui dissimulait également un lit plus petit destiné au plus jeune des gosses. Dans cette pièce, on préparait et y prenait les repas. Les grands logeaient à l’hôtel ou chez l’habitant.

L’autre « appartement » était, en principe, réservé à mon père qui l’aménageait à sa façon : des rayons de livres tapissaient les cloisons, ça et là, appareils photographiques, presse de reliure, instruments de musique (mandolines, violons, fifres, etc.), deux lunettes astronomiques rangées contre un support du plafond, un bureau où trônait une majestueuse lampe « soleil » laquelle au désespoir de ma mère consommait trop de pétrole.

En dehors de celle du théâtre dont il assurait la décoration, les occupations de mon père étaient fort variées : lecture, photographie, reliure, astronomie, peinture, cinéma, etc.

Nous possédions des oiseaux et des petits singes qu’un ami, Justin Gay, officier de la coloniale, avait rapporté de ses séjours au Tonkin et qui faisaient notre joie. Mais ces animaux, hélas, ne vivaient pas longtemps étant donné le climat de certaines des régions où évoluait le théâtre Ravel (Drôme, Isère, Alpes). L’hiver ils se réfugiaient sous la bouillotte de notre cuisinière où, à la longue, ils se déshydrataient. J’ai en mémoire le triste souvenir de la mort de l’un d’entre eux. Je devais être très jeune car ma mère me tenait au bras. Elle me montra notre petit compagnon étendu au dehors sur la neige et raidi par la mort et le froid. Mes deux aînés pleuraient à ce triste spectacle.

L’un d’eux dont je me souviens du nom « Kroumir », était très espiègle. Il voulait toujours participer à nos emplettes chez les commerçants où il se livrait alors à de petits larcins que nous avions du mal à éviter. Pour ce faire nous quittions la roulotte en catimini, mais arrivé chez l’épicier, nous voyions surgir Kroumir du cabas dans lequel il s’était caché pressentant cette trahison. Aussitôt sorti de sa cachette, il s’approprié prestement ce qui lui tombait sous la patte : fruits, bonbons, etc. Un autre avait un penchant pour le vin et malgré les précautions prises, on le voyait quelquefois dans un état voisin de l’ivresse se livrant à toutes sortes de mimiques et d’excentricités puis, s’endormant ensuite pour des heures durant.

Nous avons eu aussi une marmotte que mes frères et moi contemplions durant son long sommeil hivernal d’où elle sortait dans un état squelettique.

Plus tard, se sont des écureuils qui gambadaient dans une grande cage adossée à la partie avant de la roulotte, à l’intérieur de laquelle ils pouvaient pénétrer par une petite trappe.

intérieur de la roulotte en 1902 retouchéLa roulotte de mes grands-parents, où j’allais souvent prendre des repas, était constituée d’une pièce unique. Au fond un grand lit avec ses couvertures ouvragées confectionnées par ma grand mère. Sur l’un des côtés, un meuble sur lequel se faisaient face deux statuettes « L’Alsace » et « La Lorraine ». Il était surmonté d’une grande glace au cadre doré et tarabiscoté. Un rayon de livres, disposés selon le système Raspail*, constitué principalement de brochures de théâtre, d’ouvrages de médecine par les plantes, de catalogues illustrés de la manufacture de St Etienne que je parcourais avidement. Sur l’autre côté, un grand placard de cuisine et une cuisinière qui dégageait l’hiver une chaleur souvent excessive. Dans des tiroirs était rangé tout un matériel de pêche en rivière. Mon grand-père fervent amateur de ce sport, possédait un choix impressionnant de cannes alignées au dehors sur le châssis de sa roulotte. On le voyait s’en aller au petit matin muni de tout l’attirail prévu et s’en revenait rarement bredouille. Il avait une réputation d’excellent pêcheur, bien justifiée. Sa passion pour la pêche était si ancrée en lui que, bien souvent, même si les recettes n’étaient pas adéquates, le séjour du théâtre dans les localités situées à proximité d’un cours d’eau, se prolongeait outre mesure pour lui permettre d’assouvir sa passion.

Ma grand mère fabriquait des pastillages (sortes de berlingots) aux parfums et couleurs différents. Il m’est arrivé très souvent d’assister à la préparation de cette masse de sucre cuit multicolore qu’elle parfumait et malaxait, puis qu'elle formait ensuite en longs colliers qu’elle coupait en petits losanges avec de gros ciseaux. Il faut dire qu’elle me gratifiait des « chutes », aussi je l’aidais à confectionner de petits cornets en papier que nous vendions aux entractes.



*Un système Raspail (D'après Marius Autran historien de la ville de La seyne-sur-Mer - décédé en 2007 et dont le souvenir et les archives peuvent être consultés sur : http://jcautran.free.fr/archives_familiales/index_ma.html ) : un montage douteux (lien avec raspaillette ?). Expression utilisée par les vieux Seynois, peut-être par antagonisme avec le système Taylor mis en place dans la construction navale seynoise par les frères Taylor, ingénieurs anglais (voir notre rue Taylor), familier à nos vieux concitoyens qui avaient connu le XIXe siècle et à leur descendants (mais qu'ils confondaient sans doute avec le système Taylor, ou taylorisme, mondialement connu à la même époque, mais développé par l'ingénieur américain Frederick Winslow Taylor.

La connotation péjorative du terme "système Raspail" pourrait être aussi en relation avec la réputation de François-Vincent Raspail (1794-1878), chimiste, biologiste, botaniste et homme politique, considéré par certain comme un charlatan.

 

Tag(s) : #Théâtre Ravel
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